LES CHEMINS DU DEUIL

Elisabeth Kübler-Ross – Le chemin de deuil

Elisabeth Kübler-Ross est psychiatre et psychologue née 1926 à Zurich en Suisse et décédée en 2004.Elle fut une pionnière de l’approche des « soins palliatifs » pour les personnes en fin de vie, et, de l’accompagnement aux mourants. Elle a accompagné des milliers de personnes en fin de vie, et fut la première à étudier et formaliser les différents stades par lesquels passe une personne lorsqu’elle apprend qu’elle va mourir, mais également comment réagit l’entourage après le décès d’un proche.

En 1999, elle fut classée par le magazine « Time » parmi les cent plus importants penseurs du 20e siècle.

Témoin de nombreuses expériences de mort imminente (en anglais NDE: Near Death Experience), elle s’est également beaucoup battue pour changer la façon d’envisager la mort et l’aide aux mourants, et fut l’auteur de nombreux ouvrages traitant de la vie après la mort.

Parmi ses ouvrages, on citera ici le best-seller « Les Derniers Instants de la vie » (Labor et Fidès, 1996) dans lequel elle retrace toutes les étapes d’acceptation de la mort, étapes qu’elle a ensuite appliquées à toute forme de perte (emploi, revenu, liberté). Cela comprend également la perte d’un être cher, le divorce, la toxicomanie, ou l’infertilité…

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" LA MORT N'EST PAS UN ECHEC. C'est une étape, un passage.  La mort est un nouveau soleil "...

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Le deuil, une étape naturelle de la vie

« Faire le deuil » est le processus d’adaptation psychologique d’un individu face au choc qu’il vient de subir, quelle qu’en soit la nature. C’est un processus normal et universel.

Bien que dans le langage courant, le deuil soit synonyme d’acceptation de la mort, il s’agit d’un cheminement que connaît toute personne confrontée à une perte jusqu’à ce qu’elle réapprenne à vivre en l’absence de ce qu’elle a perdu.

La résolution du deuil se fait par étapes successives qu’Elisabeth Kübler-Ross appréhende de la façon suivante : 

 

Courbe des étapes du deuil :

Kübler-Ross a également fait valoir que chaque deuil relève d’une démarche singulière, et que ces étapes ne se déroulent pas nécessairement dans l’ordre indiqué ci-dessus. De même toutes les étapes ne sont pas vécues par tous les patients, chaque étape pouvant se manifester de façon plus ou moins forte, et plus ou moins longtemps, suivant les personnalités. Certaines personnes peuvent même rester « bloquées » sur une phase (comme la colère) entravant ainsi leur évolution et les empêchant d’aboutir à la sérénité.

L’accompagnement d’un tiers de confiance effectué très vite après le choc peut s’avérer une grande aide pour la victime à passer les étapes plus rapidement.

La Descente

Le choc de la perte
Début de la résolution, le deuil commence toujours par un choc. Celui ci entraîne une phase de sidération et de déstabilisation intense. Si le moment de la perte n’est pas perçu, le travail de deuil ne peut pas s’engager, laissant place à une étape d’attente souvent stressante et douloureuse. Par exemple le deuil d’une personne dont on n’a pas la certitude du décès (corps non retrouvé) ou pour les périodes de licenciement où l’on ne sait pas qui va être licencié. Ce genre de situation empêche de faire son « deuil » et de passer à la reconstruction.

Le Déni, le refus, la négation
Cette étape est d’autant plus fortement ressentie que l’attachement est rompu de façon soudaine, inattendue. ( « ça ne peut pas m’arriver à moi », « pas moi, pas maintenant », « non..…c’est impossible, vous vous trompez… » )

La Colère
Rage, dégoût, rancœur, sentiment d’injustice, accusation, transfert de la responsabilité sur autrui, fureur. ( « Pourquoi moi et pas un autre ? », « Ce n’est pas juste », « Ils n’avaient pas le droit » )

La Peur
Peur pour soi ou peur pour les autres, peur ponctuelle ou angoisse globale. Le monde apparaît comme une source de dangers insurmontables. Ici apparaît le problème de nature concrète :matériels, mobilité, argent…voire même de négociation et de marchandage. ( « qu’est-ce que je vais devenir ? » , « comment vais-je faire face ? » )

La Tristesse
Étape décisive et difficile pour affronter la réalité car on prend conscience que ce qui a été fait a été fait et qu’il n’y a plus rien à faire. C’est souvent là, que l’on ne dit plus grand chose, et que les larmes sortent comme une libération.

La phase de remontée : Sortir de l’impasse

L’acceptation
Dans cette démarche d’acceptation, la personne qui vit le deuil passe au premier plan, et n’est plus l’objet du deuil.

Le Pardon
Pardon à soi-même, renoncer à l’illusion de la toute puissance, ne plus se laisser envahir par la culpabilité.
Puis, vient le pardon aux auteurs de la perte.

Quête du sens et de renouveau
Révélation du cadeau caché : « grâce à …, j’ai pu… ». Il s’agit de reconnaître et d’accepter que le deuil a permis de faire des choses non envisageables dans l’ancienne situation.

La Sérénité
La personne a fait la paix avec ce moment de vie sans excès d’émotion. Elle vit dans le présent, et ce qui lui arrive dans son quotidien a plus de valeur que le passé. Si un nouveau projet se dessine, la personne est capable d’y adhérer et même d’en être moteur.


VIVRE APRES TA MORT - 

Psychologie du Deuil -  Odile Jacob 2012


Alain SAUTERAUD
psychiatre :  

«Le deuil compliqué ne ressemble pas à une dépression mais relève d’un trouble de l’attachement» 

¤ Hopital.fr : On emploie de plus en plus souvent, et pour des sujets variés, l’expression « faire son deuil ». Une formulation que vous semblez récuser. Pourquoi?

- Alain Sauteraud : Je ne récuse pas l’expression, je note plutôt que, dans notre langue, il n’existe que peu de termes pour évoquer le deuil et que l’expression « faire son deuil » traduit mal la spécificité de la perte par décès. Cette expression est en effet utilisée à de multiples propos sans rapport avec la mort d’un être aimé.

Par ailleurs, je suis assez mal à l’aise avec la notion de « travail de deuil » qui sous-entendrait qu’on pourrait échapper à la contrainte du deuil. Or le deuil est un processus obligatoire après la perte d’un être cher.

¤ Comment, selon vous, se manifeste classiquement un deuil ?

- Je me distingue de précédents auteurs qui, comme la spécialiste des soins palliatifs Elizabeth Kübler-Ross par exemple, avaient séquencé le deuil en plusieurs étapes (déni, tristesse, etc.). Les chemins à emprunter après la mort d’un proche ne sont pas fixes, le deuil s’apparente à un chevauchement d’états émotionnels qui dépendent de la manière dont la mort s’est passée.
Cette position est, me semble-t-il, un des aspects les plus modernes de mon livre.

¤ Comment reconnaît-on qu’un deuil, événement normal presque banal de la vie, se complique et devient pathologique ?

- Pour identifier un deuil compliqué, il faut tenir compte de deux critères : le handicap qu’un deuil apporte dans la vie de l’endeuillé et la durée de ce handicap. Beaucoup de facteurs prédisposent à un deuil compliqué comme la perte d’un sujet d’une génération plus jeune que la sienne, la mort brutale, la mort violente, la jeunesse de l’endeuillée, son insécurité affective, sa fragilité psychologique, mais aussi la durée de la relation.

Le deuil devient pathologique quand le processus naturel de deuil s’interrompt, se fige avec l’impossibilité pour un survivant d’entrevoir la vie sans le défunt.

¤ Vous travaillez beaucoup, dans votre ouvrage, à opérer un distinguo entre deuil compliqué et dépression. De quelle pathologie relève, selon vous, le deuil compliqué ?

- Si l’on fait attention, on s’aperçoit qu’une personne dépressive ressent une tristesse qui envahit tous les domaines de sa vie alors qu’une personne qui vit un deuil compliqué est certes très affligée mais est néanmoins toujours heureuse de parler du défunt. Souvent même, elle l’idéalise, elle est dans un rapport presque « addictif » à la personne décédée. C’est pour cela que l’on peut dire que le deuil pathologique relève d’un trouble de l’attachement.

¤ Quelles solutions thérapeutiques préconisez-vous pour « refluidifier » un deuil ?

- La consultation d’un psychothérapeute permet, lors d’un deuil compliqué, d’apprivoiser les émotions bouleversantes avec un travail de narration et de rétablir des activités (plaisantes) avec un travail comportemental. Elle permet aussi d’aider le survivant à prendre soin de soi.

L’enjeu d’une psychothérapie est de faire comprendre à l’endeuillé que, si la déchirure est certes définitive, le défunt n’a pas totalement disparu puisque l’endeuillé en parle. C’est aussi de faire entendre au patient que le défunt étant ainsi intériorisé, il peut continuer à vivre.

¤ Et pour les enfants, comment se passe un deuil ?

- Il dépend beaucoup de l’âge de l’enfant. Mais, en plus de cette spécificité, l’enfant s’interroge souvent sur sa propre sécurité dans la mesure où une figure qu’il considérait comme protectrice a disparu. Si son deuil est moins apparent, il est bien souvent plus long car le processus d’intériorisation se fait de manière différent.

Une autre difficulté réside dans le discours qui lui est tenu par ses proches : souvent les causes et les circonstances de la mort sont tues ou arrangées alors qu’il aurait besoin d’une vérité – habillée de manière présentable et adaptée à son âge, j’entends.
 https://www.youtube.com/watch?v=Lrunw4JfeMI